


UN WEEK END AU CUC
Le CUC...
Toute une aventure!
Octobre 2024 – L’idée du siècle
“Pour écrire un bon scénario, il faut savoir de quoi on parle. Il faut s’imprégner des décors, des ambiances, des actions des personnages.”
Ah ? Et je vais où, moi, pour m’imprégner ?
Où vont les 3S ? Où va Sarah N’Gué ?
La Corée ? Trop loin, trop cher.
La Russie ? Non merci. Si un jour on tourne, on mettra "usine russe" en sous-titre et basta.
Le Burkina ? J’y suis allée. J’y ai vu mes amis, ceux qui ont inspiré le pays de Sarah. C’était fort, intense, un peu comme le Maroc – peut-être la chaleur.
Mévouillon ? Je connais déjà. J’y ai vécu un an et j’y reviens régulièrement pour le parapente.
La baie des Trépassés ? J’y suis déjà allée. Si je la mets dans le scénar, c’est que je l’aime déjà.
Et tout à coup, l’idée du siècle !
Un stage de cascade au CUC !
61 ans, peu de sport ces dernières années ? Qu’à cela ne tienne !
Le site promet : "ouvert à tous niveaux", "immersion", "découverte".
Je demande s’ils acceptent les dinosaures avec genoux fatigués… Réponse positive.
J’ai un peu de sous de côté, je m’inscris pour le stage du 21 au 24 novembre. Et je paie direct, pour ne pas me laisser le choix.
Et tant qu’à monter dans le nord, je prolonge : quelques jours à Paris, un détour à la Baie.
Rien de tel qu’un voyage initiatique.
Novembre 2024 – Sur les rails (ou pas)
22 novembre – Départ pour mon rêve
Je pars de Rennes, où j’ai rendu visite à une amie. Train prévu : 7h de voyage.
Sauf que… panne, attente, transbordement.
Je fais la connaissance de quelques futurs stagiaires. Ça compense le stress.
Un bon vieux souvenir de nos manifs parisiennes.
Arrivée à Saint-Quentin vers 22h. Correspondance pour Le Cateau ? C’est plus l’heure !
Taxi ou Uber pour tout le monde.
20h30 – Bienvenue au CUC
Arrivés au centre, tout est éteint côté réfectoire.
Mais on nous dit de fouiller les frigos, ambiance colonie de vacances pour adultes motivés.
Accueil chaleureux. Nourriture excellente.
Des dortoirs, des chambres doubles. Je me retrouve seule dans une chambre — par timidité, puis par fierté. Les jeunes ont respecté mon intimité eu égard à mon grand âge… Ou voulaient rester entre jeunes… Finalement, ça me va très bien. Chambres confortables, douches et WC individuels.
J’apprendrai plus tard que les locaux servent de MFR en semaine, et de Campus Univers Cascade le week-end et pendant les vacances scolaires.
22h00 – Ô douce nuit
Deuxième nuit confortable dans un vrai lit. Ça change de la tente plantée dans les sanitaires du camping… (voir « Escapade en bretagne ».) Confortable, mais toujours aussi solitaire. J’avoue que ce voyage en solitaire commence à me peser : voilà 10 jours que je ne suis plus chez moi. Personne à qui parler au milieu de tout ce monde… Ça fait drôle. On se sent isolée, oubliée, effacée.
23 novembre – Le grand saut
8h00 - Timidité et petit-déjeuner sportif
Réveil, petit déjeuner seule parmi tous ces jeunes. Heureusement, je suis de ceux capables de surmonter leur timidité pour engager la conversation. Je cherche des visages connus : Elsa l’actrice, Fanny la cascadeuse en herbe, quelques autres rencontrés dans le train.
Le petit-déj est plantureux, digne des grands sportifs que nous sommes (ou allons devenir).
Mais ensuite... moment de flottement. Le rendez-vous est à 9h. Que faire en attendant ?
J’ai passé mes coups de fil, envoyé mes textos, noté mes aventures dans mon carnet. J’ai même exploré le campus seule, au point de presque m’y perdre.
Finalement, je me suis installée dans le gymnase, où certains jeunes s’échauffaient en enchaînant acrobaties et sauts. Je me suis sentie raide, étrangère. Pas encore prête à bouger devant cette assurance juvénile. Alors je me suis “cachée”, oui, dans un coin, pour essayer de me dérouiller discrètement.
Et pourtant, au fond de moi, un sentiment irrépressible :
J’y suis !
Je suis au CUC, chez les cascadeurs. Dans leur monde.
Fierté. Émotion. Révérence. Appréhension.
9h00 – Chutes, coups et 'réac’
Trois heures de cours. Et dès l’échauffement, j’ai cru mourir (cf. texto : “les pompes et autres réjouissances”).
Ensuite, place au combat. Et là, j’ai dû oublier tout ce que je savais du karaté : la garde, les distances, les réflexes.
À la place, j’ai appris les crochets, les uppercuts... et surtout, les chutes : avant, arrière, côté. Rien à voir avec l’aïkido. Ici, c’est du cinéma : il faut tomber pour que ce soit spectaculaire — et surtout, sans se faire mal.
C’était ludique. Je me suis même amusée à montrer quelques “réacs” à mon fils, mon complice d’arts martiaux de toujours.
Une “réac”, c’est une réaction simulée à un coup qu’on reçoit... sans jamais être touché. Faire croire à la douleur, au choc. Déroutant au début : mes réflexes de défense prenaient le dessus. Mais j’ai appris. Et c’était drôle !
On est parfois à 10 cm de l’autre, et ça ne se voit pas à la caméra, grâce au bon angle (placée derrière l’attaquant ou l’attaqué).
L’entraîneur m’a dit plusieurs fois que je pouvais m’arrêter, que je n’étais pas obligée de faire les chutes si je ne le sentais pas.
Mais dans ma tête, c’était clair :
“MAIS IL RIGOLE ? Je suis pas venue ici, après 10 jours de froid,
de solitude et de doutes, pour m’écarter comme ça !”
Alors oui, j’en ai bavé. Mais j’ai tenu. Avec mes moyens. En me dépassant. Et peut-être aussi… pour ne pas paraître minable devant tous ces jeunes.
23 novembre – Après-midi de chutes… et de vertige
13h30 – Le retour des hostilités
Après un déjeuner digne des grands cuistots (franchement, chapeau aux équipes !), j’envoie quelques messages à mes amis pendant la pause. Petite bulle de calme avant la reprise.
14h00 – Chutes encadrées, limites révélées
Retour dans la salle. Au programme : sauts et chutes.
3 mètres.
6 mètres.
Les 9 mètres ? Gardés pour le lendemain. (Ouf, peut-être.)
Je découvre mes limites.
Moi qui peux sauter dans l’eau d’une hauteur de 8 mètres — mnon sans appréhension —, je n’ai pas réussi à dépasser les 3 mètres ici.
Pourquoi ? Peut-être parce qu’en cascade, on tombe sur le dos.
Et non à la verticale comme dans l’eau. Ce n’est pas rien pour la vieille que je suis: choc aux cervicales, coudes… Ce sont de petits chocs en réalité, mais chez moi, ils provoquent des courbatures cervicales qui durent trois jours. Et avec, des céphalées pas franchement anodines.
Quant à mes coudes… tendons fragiles. Je les connais, eux aussi.
Alors j’ai sauté, oui. De 3 mètres. Sur le dos.
Mais je me suis arrêtée là. Parce que se dépasser, ce n’est pas se casser.
Mais tout de même une pointe de déception, de frustration.
15h30 – La tour de saut
Oh purée! La tour.
Un monument métallique de 24 mètres de haut, digne d’un plateau de cinéma. Ossature brute, réception dans un tapis airbag géant — un peu comme dans L’Arme Fatale.
Je n’ai pas sauté.Mais j’ai regardé. J’ai filmé
Nous étions bien. Les jeunes en redemandaient. Voir leur enthousiasme me ravissait.
Il faisait gris. Le vent soufflait. Et pourtant, j’étais bien.
J’y étais.
Devant la tour.
Avec les autres.
À vibrer avec les “sauteurs”. Sauts arrière, latéraux, plongeons simulés. Tous finissaient sur le dos.
Comme dans les films.
Et moi j’étais dans le film.
23 novembre – Courte soirée.
Après le repas du soir, riche en discussions avec des gens très différents, repli stratégique dans ma chambre.
Textos, carnet de route, douche, petit K-Drama du soir… La panoplie du repli doux.
Pas parce que je boudais.
Mais parce que je n’en pouvais plus de socialiser.
Sortir de son mutisme, parler à des inconnus, supporter le regard des autres… Ça coûte.
Et puis j’ai toujours peur d’être ridicule. Je suis spontanée, parfois trop. Je dis n’importe quoi sans filtre, et après je me repasse les scènes en boucle…
Alors : coucher tôt.
Nuit sans rêves. Les courbatures préparent leur nid.
24 novembre – Silence on tourne.
8h00 - Coup de mou
Petit-déjeuner apathique. Le moral flanche.
La fatigue s’installe. Le doute aussi.
Je me sens de nouveau étrangère à ce monde.
Je prie intérieurement pour tenir le coup et ne pas paraître minable pendant les échauffements…
9h00 – Cascades un jour, cascades toujours
Échauffement - J’ai tenu !
Je ne sais pas comment.
Mais j’ai transpiré, haleté, suffoqué, et… tenu.
La fierté sans-doute.
Répétitions et tournages
Petites scénettes à jouer devant tout le monde.
J’étais prête à m’effacer. Pas envie de socialiser. Trop dur.
Mais au moment où j’en parle à l’encadrant… un groupe est incomplet.
Alors je me “sacrifie”. Je les trouve sympas, je me lance.
Et je ne l’ai pas regretté.
C’était drôle. Humiliant ? Peut-être.
Mais surtout libérateur.
J’ai même gardé une vidéo. Pas à mon avantage ? Certes.
Mais je l’assume. Mon âge. Ma maladresse. Mon humour. Ma présence.
13h30 – Un peu de pro
Après le déjeuner (encore une fois, un régal), je discute avec Elsa l’actrice.
Elle me donne des conseils pour mon scénario, pour présenter mes mails aux producteurs.
Merci Elsa pour tes mots, ton écoute et ton élan.
14h00 – Panne sèche
L’échauffement de l’après-midi ? Pas pu.
Trop crevée.
Je me mets sur le côté.
À côté d’un autre participant, 40 ans, venu accompagner son beau-fils.
On discute. De tout. De rien. Mais de vrai.
C’est toujours enrichissant, ces tranches de vies qu’on partage entre inconnus.
Puis, tous les deux, on rejoint le groupe des sauts, en spectateurs.
On filme. On s’émerveille. On se gèle un peu.
Certains tentent les 9 mètres. C’est impressionnant.
Et leurs visages à la descente du tapis… un mélange de fierté, d’adrénaline, de pur bonheur.
Les filles, qui représentent presque la moitié du groupe, assurent autant que les garçons. En saut, pas de sexisme. Elles sont à la hauteur.(C’est le cas de le dire.)
17h00 – Ça sent la fin !
Les cours s’achèvent.
Retour aux chambres. Rangement. Ménage. Valises. Nostalgie.
Il fait nuit. Je descends, chargée de mes 25 kg de bagages.
Derniers au revoir. Derniers rires.
Un petit groupe, celui du train de 20h, se forme.
On commande des pizzas. C’est même le prof qui paie.
On mange au réfectoire, comme une dernière veillée.
Puis, on part à pieds vers la gare.
Froid, nuit, et une petite tristesse douce qui flotte.
Arrivée à Paris. On se quitte. On se promet de se revoir.
On crée un groupe WhatsApp.
(Il est toujours actif aujourd’hui, six mois plus tard.)
10h30 – Le CUC c’est fini !
Et voilà ! Je prends le RER pour aller chez Moman. Les galères m’attendent à l’arrivée. Mais ça, c’est une autre histoire… drôle.
