
Conférence
L’art du récit : les JO 2024
Thomas Jolly (directeur artistique de Paris 2024) était présent, accompagné de :
– Fanny Herrero (showruneuse et scénariste, Dix pour cent entre autres)
– Damien Gabriac (auteur, comédien, metteur en scène)
Fatiguée d’écrire, car c’est long et difficile de trouver les mots. Alors cette fois, juste un résumé. Je complèterai plus tard.
Génèse:
Demande faite à Thomas Jolly, qui a composé un comité d'écriture. Pour ça, il a réuni plusieurs types d'écrivain·e·s afin de croiser plusieurs écritures essentielles :
– une écriture du spectacle
– une écriture de l'écran
– une écriture littéraire
– une écriture historique
Après les présentations, standing ovation d'au moins deux minutes. Au début de la conférence. Du jamais vu.
Je ne sais pas pourquoi, mais au souvenir de cette cérémonie, j'étais de ceux qui applaudissaient le plus fort. Émue aux larmes...
La fatigue ? Peut-être... Ou peut-être que l'écriture de leur scénario m'a touchée autant que les autres.
Peut-être qu'ils ont atteint leurs objectifs :
-Rappeler que la France est (ou devrait être) une terre de liberté, égalité, fraternité... et sororité (car ils ne nous ont pas oubliées dans leur écriture).
-Et rassembler, fédérer, autour d'une idée : ouverture, bienveillance, compréhension.
Ils se sont saisis de toutes les symboliques existantes autour des bâtiments et monuments longeant la Seine, pour les déstructurer et les reconstruire à l'honneur de ce qui fait l'humanité.
Ils ont transformé la multiplicité de la France en arts : tableaux, vidéos, événements, musique... Tout y était.
Pas de hiérarchie dans les catégories artistiques :
– théâtre
– jeux vidéo (le coureur sur les toits pouvait être Le Hussard sur le toit, Assassin's Creed, etc.)
– cinéma
– télévision
Ils ont aussi fait appel à toutes les cultures existantes en France (ce qui, à mon avis, représente un joli morceau de l'humanité tant elles sont variées).
Le coureur sur les toits passait d'un tableau à l'autre : de l'Histoire de France à la Conciergerie (avec cette image de Marie-Antoinette, représentant tous les aristocrates, décapitée) vers la liberté.


Là, les scénaristes ont réussi à allier : – Musique métal (Gojira)
– Lyrique (Carmen)
– Folklorique ("Ah ça ira")
– et spectacle vivant
Encore une fois, même sur le thème de l’égalité, ils ont montré la complémentarité, l’unicité. !
Dans la Bibliothèque nationale, ils ont aussi montré, avec humour, que l’amour, tel que dans la littérature, est multiple et prend bien des formes. Et qu’il faut en rajouter une : le trouple.
Ni polygamie, ni polyandrie. L’amour, tout simplement.
(Et dire que j’ai eu la même idée il y a trois ans avec mon scénario qui, lui, n’est pas encore "sorti"...)
Il paraît que le CIO a fait changer la fin, trop évocatrice pour eux.
Les 12 tableaux parcourant la Seine:
– Enchanté (après le pont d’Austerlitz)
– Synchronicité (en face de Notre-Dame)
– Liberté (face au Pont-Neuf)
– Égalité (sur le Pont des Arts)
– Fraternité (passerelle Léopold-Sédar-Senghor)
– Sororité (pont Alexandre III)
– Sportivité (Grand Palais)
– Festivité (passerelle Debilly)
– Obscurité (pont d’Iéna)
– Solennité (Trocadéro)
– Éternité (au pied de la tour Eiffel)
Dans chaque tableau, ils commençaient par montrer une idée commune (une idée reçue qui se croit universelle) pour en montrer le contraire juste après.
Le message était clair : répondre à ceux « qui ne croient pas à l’unicitié de la diversité » par un simple « pourquoi pas ? »
Thomas Jolly a plaisanté sur les cérémonies des JO depuis un siècle :
« Tout le monde tourne en rond pendant des heures dans un stade. On se fait ch... c’est tout ! »
Aya Nakamura représentait l’égalité sur le pont des Arts.
Les auteurs voulaient montrer que la France, son histoire et sa langue sont un mélange de multiples cultures, que nombre de mots français viennent d’ailleurs, et rappeler à la fois le passé colonial et la réputation de terre d’accueil.
Personnellement, je dois dire que l’alliance Aya Nakamura / Chœur de l’Armée française / Garde républicaine était un moment particulièrement émouvant.

Encore une fois: message limpide. Et je trouvais enfin des auteurs qui partageaient mes points de vue. En plus, la Garde était fière d’accompagner Nakamura !
Cette scène évoquait tant de choses, tant de sensations...
Dans la salle, on était tous d’accord : on était heureux.
Dans ces douze tableaux, pas de texte.
Tout est dit par l’image, la musique, les danses, les acrobaties.

Quant à la chanson Nu de Philippe Katerine, je ne reviendrai pas sur la description ni les intentions des auteurs.
Je me contente de la petite histoire : c’est le chanteur lui-même qui a demandé à participer avec cette chanson.
Thomas Jolly a aussi répondu à ceux choqués par la présence des drag queens et compagnie :
« Au XVIIe siècle, les rois étaient queers ! Ils se poudraient, portaient des perruques et des talons. Et plus avant dans l’histoire : Jeanne d’Arc était un travesti ! Ce n’était pas un geste militant que de le montrer : c’était sous nos yeux depuis bien longtemps. »
Anecdote sur les colombes de la paix.
1988, Séoul. Cérémonie d’ouverture. On lâche des colombes. Protocole classique.
Sauf que cette fois, certaines se posent sur le rebord de la vasque olympique... Et finissent carbonisées quand elle s’enflamme.
Alors, en 2024, les ailes des colombes s’ouvraient sur le passage du drapeau olympique, porté par un·e guerrier·re sur son cheval mécanique.
Ils en ont encore dit, des choses, ces trois scénaristes (oui, il en manquait une, qui était retenue ailleurs).
Maintenant, en vrac, parce que je fatigue :
– La Marseillaise chantée par Axelle Saint-Cirel, figure de la France métropolitaine et d’outre-mer.
– Les Jeux paralympiques.
– La longueur de la course du cheval (parce que les bateaux devaient accoster au Trocadéro au fur et à mesure).
– Les statues de femmes iconiques sortant de l’eau. Mon émerveillement : enfin quelqu’un a pensé à les honorer.
(J’avais imaginé un monument comme ces statues dans mon drama :
https://www.les-f-dramas-de-seng-ah-eun.com/épisode-10-b)
Ah, et surtout :
En réponse au Figaro qui titrait le 8 mai 2024 :
« JO 2024 : dans un monde dangereux, l’espoir d’une jolie parenthèse française »
Thomas Jolly et Damien Gabriac espéraient que ce serait plutôt une « brèche » menant à un futur plus ouvert ; Fanny Herrero a préféré nommer cet événement « un socle » où poser notre avenir. C’est joli non ? « Un socle commun ».
Et voilà.
J’en ai fini avec ce compte-rendu.
Il me tenait d’autant plus à cœur que mon œuvre s’inscrit dans la lignée de leur écriture.
Finalement, nous sommes nombreux et nombreuses à vouloir ouvrir le monde à d’autres formes de vies que celles qu’on nous a apprises.
Et il est encore temps de véhiculer ce message.
Il faut battre le fer pendant qu’il est chaud.
Autrement dit : "réveille-toi ma grande, il est temps de proposer ton scénar!"